Zad for ever

Notre-Dame-des-Landes / Nouvelles de la Zad

Pourquoi défendre la construction de « logements sociaux paysans » à Notre-Dame-des-Landes et au-delà ? 

Réponses à l’enfumage de M. Naud, maire démissionaire. 

M. Naud, maire de la commune de Notre-Dame-des-Landes, a démissionné pendant l’été et ne finira donc pas son 3e mandat. Il venait d’être épinglé par la chambre régionale des comptes pour sa mauvaise gestion financière de la commune et l’ »insincérité de son budget ». 

Mais plutôt que d’éclairer les habitant·es de sa commune à ce sujet, il a préféré mettre en avant un tout autre motif pour sa démission. Celle-ci serait essentiellement due à la demande de permis de construire pour des « logements sociaux paysans » sur le territoire autrefois menacé par le projet d’aéroport. Cette justification douteuse s’est doublée d’affirmations erronées sur les raisons et fonctions de ces logements sociaux paysans.

Trêve de faux-semblants, les habitant·es et paysan·nes du bocage visé·es par son propos, ont décidé de mettre les points sur les i. Ils et elles clarifient ici les enjeux de ces « logements sociaux paysans ». Alors qu’entre 100 et 200 fermes disparaissent chaque semaine à l’échelle nationale, il est temps d’exposer la manière dont ce dispositif exemplaire peut contribuer aux besoins de transmission et de viabilité des fermes, et ce au-delà de la communauté de communes d’Erdre et Gesvres…

Qu’est-ce qu’un logement social paysan ?

Il est aussi souhaitable que nécessaire, pour bon nombre d’agriculteurs, d’avoir un logement à proximité de leur ferme. On peut parler d’un « logement social paysan » quand les fermier·es sont locataires d’un bailleur en lien avec une collectivité publique et bénéficient d’un loyer modéré.   L’agriculteur·rice travaillant à la ferme aura alors accès à ce logement durant le temps de sa carrière. Il ou elle se sera engagé·e en entrée de bail à quitter son logement de fonction quand son activité cessera, afin que le logement soit forcément transmis aux repreneur·euses de la ferme. 

Des logements paysans prévus par la loi et dans le cadre du PLUI 

Le droit de l’urbanisme et le PLUI de la communauté de communes Erdre et Gesvres prévoient bien la possibilité de construction de nouveaux logements paysans, dans le respect de la charte agricole départementale (1). Aujourd’hui, il est possible de faire valoir ce droit pour des agriculteur·ices installé·es à titre principal quand l’activité agricole le justifie, par exemple, du fait d’une activité d’élevage ou de périodes d’astreintes saisonnières.

5 « logements sociaux paysans » dont 2 rénovations pour 18 installations

Sur le territoire préservé du projet d’aéroport, 5 logements sociaux paysans sont actuellement en prévision avec le CD 44 dans le cadre de son projet de territoire agricole et environnemental. 2 de ces « logements sociaux paysans » ne sont pas de nouvelles constructions, mais des rénovations d’anciens bâtis vétustes. Le CD44, propriétaire des terrains, a confié la construction ou la rénovation de ces logements ainsi que leur mise en location au bailleur social Habitat 44.

Ces logements sociaux paysans concernent moins d’1/3 des 18 nouvelles installations agricoles depuis l’abandon du projet d’aéroport. Ils viennent renforcer, quand cela s’avère nécessaire, les baux ruraux contractualisés sur les terres et sur les bâtis d’exploitation. Ces bâtis d’exploitation ont été construits ou rénovés puis entretenus par les fermier.es, avec l’appui du mouvement anti-aéroport et ses suites. 

Des logements liés à un plus grand nombre de fermes dans un territoire où le bâti historique a été amplement détruit

En terme d’habitat, Les habitant.es et paysan.nes du bocage ont commencé cette année à signer avec le Département de Loire-Atlantique une série de baux emphytéotiques. Ceux-ci concernent des bâtis historiques rénovés par nos soins ou des reconstructions de bâtis détruits pour le projet d’aéroport.

M. Naud affirme que les demandes de construire des logements sociaux paysans seraient une conséquence du fait que les agriculteur·rices de la zad ne sont pas logé·es dans les bâtis historiques ainsi régularisés. C’est faux ! Une partie des bâtis historiques récemment contractualisés avec le CD44 via des baux emphytéotiques logent bien des personnes engagées dans les activités agricoles ou para-agricoles sur la zad. Mais depuis l’abandon du projet d’aéroport nous avons aussi permis la présence de bon nombre de nouvelles fermes. Il y a ainsi plus d’exploitations agricoles sur ce territoire aujourd’hui que de corps de fermes anciens encore debout. Il est logique en ce sens de mettre en place de nouveaux logements paysans.

Un bocage vivant avec différents habitant.es  

Par ailleurs, tous les habitats existants avant l’abandon du projet d’aéroport – et pour un grand nombre détruits pour ce même projet d’aéroport – n’étaient pas historiquement occupés seulement par des exploitant·es agricoles. Y vivaient aussi des personnes exerçant d’autres activités sur le territoire, comme c’est le cas partout ailleurs dans le monde rural et a fortiori dans le bocage landais environnant. Nous considérons que pour que ce territoire reste vivant et désirable – y compris pour l’installation paysanne – il est crucial de maintenir aussi des logements partagés avec des habitant·es exerçant d’autres activités nécessitant une présence quotidienne dans le bocage, que celles-ci soient artisanales, forestières, culturelles ou sociales… D’autant que l’accès au logement dans les bourgs (y compris HLM) est de plus en plus difficile pour tous les types de foyers, et encore davantage pour les revenus modérés.

Les logements sociaux paysans : une solution exemplaire pour assurer la transmission et la pérennisation des fermes 

Partout en France, l’accès aux habitats est un obstacle majeur à la transmission des fermes et à l’installation. Les logements attenants aux fermes sont souvent vendus à des prix inaccessibles aux repreneurs.euses. Ceci contribue fortement à la disparition des fermes existantes. 

A contrario, des logements sociaux adossés aux fermes et dédiés à loger des paysan·nes, ainsi que leur famille, le temps de leur carrière, sans coût important pour y entrer et sans capitalisation à leur départ, sont une solution d’espoir. Le logement paysan s’émancipe ainsi d’une dynamique spéculative et des contraintes du marché immobilier. 

Le dispositif que cherchent à mettre en œuvre les paysan·nes de la zad, le CD44, le bailleur social Habitat 44 en lien avec les 3 communes concernées est à ce titre exemplaire. Il devrait inspirer au-delà du bocage de Notre-dame-des-Landes. Les demandes de permis de construire à ce sujet ne devraient pas être entravées mais être au contraire appuyées par tout maire attaché·e à la pérennisation des exploitations agricoles sur son territoire. 

Un enjeu d’actualité au niveau national

Dans un contexte où le renouvellement des générations d’agriculteur·ices devient un défi vital, le sujet du logement paysan est en train de monter publiquement. 

Depuis 2020, il est reconnu comme une priorité nécessitant l’engagement de l’État. Il fait notamment partie des préconisations du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) pour favoriser l’installation et la transmission agricole. Le sujet mobilise des syndicats et structures avec des visions aussi différentes de l’agriculture que la Confédération Paysanne (1), Terres de Liens (2) ou la FNSEA (3). Un amendement à la récente Loi de simplification économique a même été voté pour faciliter l’installation de logements de fonction agricoles en habitat léger. 

Si des mesures d’envergure peinent encore à être mises en place à l’échelle nationale, on constate l’émergence de dynamiques d’innovation par le bas apportant des réponses concrètes à La-Chapelle-sur-Erdre (44) (4) et Bouaye (5) dans le 44 ou encore sur le plateau de Saclay (6) 

Pour que vivent les fermes de Notre-dame-des-Landes, pour appuyer des dynamiques similaires ailleurs, nous appelons donc à soutenir les logements sociaux paysans en projet dans le bocage 

Des paysan.nes et habitant.es du bocage

(1) Charte établie par les services de l’État, le Conseil Départemental 44 (CD), l’Association fédérative des maires et la Chambre d’Agriculture de Loire-Atlantique.

(2) Lors du dernier congrès national de la Confédération Paysanne, une motion a été votée pour inscrire l’accessibilité du logement dans les sujets de travail majeurs du syndicat pour les deux années à venir.

(3) Une cellule technique au sujet de l’habitat paysan vient d’être créée au sein de Terres de Liens, mouvement citoyen qui œuvre pour l’installation paysanne et qui se confronte depuis des années aux difficultés liées au logement de ses fermier·es. 

(4) Une réflexion sur l’intégration du logement au sein du capital de l’exploitation ou sur son maintien dans le capital privé se développe notamment au sein de la FNSEA.

(5) A La-Chapelle-sur-Erdre, le bailleur social Habitat44 met à la disposition d’agriculteurs quatre logements sociaux issus de la rénovation d’une ancienne bâtisse depuis 2022, dans un contexte de forte pression immobilière. 

(6) A Bouaye, des montages juridiques et partenariaux sont expérimentés également entre le bailleur social Une Famille Un Toit 44, Nantes Métropole et la foncière Passeurs de Terres afin de sauvegarder la solidarité du logement avec les terres au moment de la transmission d’une exploitation. 

(7) Sur le plateau de Saclay, en région parisienne, certains logements sociaux existants ont été réservés pour les agriculteurs du coin, dont les activité agricoles sont menacées par le développement immobilier galopant…